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Quel avenir pour l’exportation de la musique?
Y aura-t-il un retour à la normale? Le stand commun de la Suisse à jazzahead! Brême 2019.
Photo: Marcel Kaufmann
au sein de la FONDATION SUISA, Marcel Kaufmann
Covid-19, transition numérique, crise climatique: comment la musique s’exporte dans une période qui ne ressemble à aucune autre. Responsable de la présence à l’étranger et de la promotion des exportations nous fait part de ses expériences et réflexions sur le sujet.

Depuis la révolution Internet des années quatre-vingt-dix, la création de valeur sur le marché de la musique s’est déplacée dans une large mesure vers le domaine du Live. Les concerts sont devenus la principale source de revenus pour bon nombre de musiciens et de musiciennes. L’une des conséquences a été l’émergence de nombreux événements de type «showcase». Les artistes avaient par ce biais la possibilité de se présenter à un public professionnel international dans le cadre de performances en direct de durée réduite. Ils espéraient ainsi être retenus par de plus grands clubs ou de plus grands festivals ou être pris sous contrat par des agences opérant à l’international. En association avec différents partenaires, la FONDATION SUISA soutient les efforts d’exportation des musiciens locaux. Depuis de nombreuses années, la fondation organise des plateformes de réseautage suisses à l’occasion de foires et événements internationaux.

Pourtant, ce système bien rodé de déplacements, de performances et de poignées de mains a été brutalement freiné par la pandémie. Les musiciens et musiciennes ont perdu une grande partie de leurs revenus du jour au lendemain, ainsi que leurs filières d’exportation.

Alors que faire? Comment surmonter cette période? Et si l’on ne revenait jamais à la vie d’avant?

L’an dernier, la FONDATION SUISA a participé à de nombreux projets pilotes, testé des outils de chat, encouragé la diffusion des vidéos de showcase par streaming et négocié de nouvelles approches possibles en matière de financement avec les organisateurs. «Une expérience intéressante», «une solution temporaire bienvenue», mais «certainement pas un substitut à un événement en direct»: tel était notre verdict à la fin 2020 – en accord avec une large majorité de musiciens et d’organisateurs.

«Réseauter par Internet n’est pas encore entré dans les habitudes.»

La pandémie a entraîné l’annulation de la quasi-totalité des salons de musique physiques en 2020. Quelques-uns comme le Midem ou le WOMEX ont tenté d’organiser une version virtuelle. Mais les incertitudes liées à la planification étaient encore trop grandes à l’époque. Il était inimaginable d’envisager que des concerts puissent avoir lieu dans un avenir proche. Par conséquent, les organisateurs ont engagé beaucoup moins d’artistes pour ces événements en ligne que pour les spectacles en présentiel. D’autre part, il est impossible de recréer l’ambiance d’un concert Live avec le numérique. Et puis le réseautage par Internet n’est pas encore entré dans les habitudes.

La dernière édition de jazzahead!, organisée tout récemment à Brême de façon virtuelle, l’a d’ailleurs confirmé. Il est vrai qu’il est plus facile d’établir des contacts entre personnes accréditées sur Internet que dans un salon d’expositions bondé. Mais sans l’énergie du collectif autour de soi, on se retrouve vite isolé. Il faudra attendre encore quelques semaines, après des enquêtes approfondies et des discussions avant de pouvoir jauger le succès réel de la présence suisse au plus grand salon mondial du jazz cette année. Autrefois, on pouvait dresser le bilan dès la clôture du salon.

Les deux groupes suisses figurant au programme officiel des showcases de jazzahead! ont choisi deux approches différentes: La formation The True Harry Nulz s’est produite sur une scène à Brême devant une poignée de journalistes qui se sont au moins donné la peine d’applaudir après chaque morceau, ce qu’on pouvait entendre en direct dans le flux. Le showcase du groupe Luzia von Wyl Ensemble, a lui été produit en amont à Zurich, sans public, puis diffusé en flux. Le silence entre les morceaux et l’absence de réactions ont créé le vide autour des artistes.

«Nous devons en permanence inventer de nouveaux scénarios, rester ouverts et remettre en question notre ressenti.»

À l’heure où les campagnes de vaccination redonnent des raisons d’espérer, il serait facile de se contenter d’attendre et de voir dans l’univers en ligne une simple solution temporaire. Mais à une époque où la totalité de notre travail est modifiée en profondeur par la numérisation, de nombreuses questions se posent: l’univers en ligne offre-t-il plus de potentiel que ce qu’on ne croyait en matière d’exportations? Pouvons-nous nous offrir le luxe d’un simple «retour à la normale» à l’heure où la crise climatique mondiale dépasse toutes les pandémies possibles? Une crise qui pourrait avoir un impact durable sur les générations de futurs musiciens et musiciennes et les priver de nombreuses possibilités?

Nous n’avons pas encore de réponses définitives à toutes ces questions. Les changements les plus profonds n’ont pas lieu en ligne, mais dans nos têtes. Et ceux-là mettent plus de temps à opérer que les changements technologiques. D’ici-là, nous devons constamment inventer de nouveaux scénarios, rester ouverts et remettre en question notre ressenti. La priorité absolue reste d’écouter les musiciens et les musiciennes. Car leurs créations doivent pouvoir outrepasser les frontières, aujourd’hui comme demain. C’est en leur nom que la FONDATION SUISA continuera de suivre et de façonner les changements en matière d’exportation musicale.

Nouvel appel à candidatures Get Going!
Pour la quatrième fois, la FONDATION SUISA lancera un appel à contributions Get Going! fin juin/début juillet. Pour tout savoir sur le coup de pouce financier donné à des projets exceptionnels, rendez-vous sur le site Internet de la fondation: www.fondation-suisa.ch

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