La huitième édition du festival Label Suisse a attiré quelque 90 000 festivaliers qui ont pu assister à de nombreuses représentations issues d’univers musicaux très variés. Au total, plus de 60 concerts étaient organisés à 10 endroits différents du centre-ville de Lausanne. Musique électronique, pop rock, musique contemporaine et classique, jazz, nouvelle musique folklorique: toute la diversité de la musique suisse était réunie dans ce festival!
Les responsables du programme ont toujours à cœur de proposer une scène aux artistes suisses expérimentés comme aux étoiles montantes. Grâce aux sponsors qui prennent en charge les frais du festival, les mélomanes peuvent assister gratuitement à tous les concerts. SUISA soutient financièrement Label Suisse depuis 2006 et figurait, cette année encore, parmi les principaux partenaires du festival.
Les différents programmateurs Label Suisse se consacrent chacun à un genre musical spécifique. Après le festival, nous leur avons demandé par écrit comment ils procédaient pour choisir les artistes, ce qui leur plaisait particulièrement dans ce festival et quelles tendances ils observaient dans les genres musicaux. Nous voulions également savoir ce qui avait particulièrement touché Julien Gross, le président du festival, dans cette édition 2018.
Julien Gross, Président de l’association Label Suisse
Tu es le président de l’Association Label Suisse et tu travailles depuis plusieurs années au bon déroulement du festival. A ton avis, qu’est-ce qui rend Label Suisse particulièrement attrayant?
Julien Gross: Label Suisse est unique dans sa proposition artistique de par le spectre très large de styles musicaux représentés dans notre programmation. Notre festival réunit ainsi tous les publics, de toutes les générations pendant trois jours.
Des artistes des quatre régions linguistiques se produisent devant un public curieux, fidèle et très attentif. La radio joue un rôle très important dans la diffusion à travers toute la Suisse durant ces trois jours.
Ce fut la 8e édition de Label Suisse. Le festival a lieu tous les deux ans et la première édition a eu lieu en 2004. Quels changements Label Suisse a-t-il connu au cours de ces quatorze ans?
C’est principalement la musique suisse qui a beaucoup évolué. Créative, innovante et originale, Label Suisse tente de représenter une photographie instantanée de toutes les scènes musicales.
Nous faisons en sorte de déclencher l’envie de découverte, de partir dans une aventure musicale. Renforcer la présence de certains styles ou encore de proposer des créations inédites.
De nombreux groupes de toute la Suisse participent à Label Suisse, avec des genres musicaux très variés. De ton point de vue, quelles prestations ont été les plus enthousiasmantes?
J’ai un réel plaisir à déambuler à travers les lieux du festival. De pouvoir découvrir et me confronter à des styles musicaux qui ne font pas partie de ma vie de tous les jours. C’est cela qui m’enthousiasme le plus.
Laurence Vinclair, programmation musiques actuelles
Dans le cas d’un festival qui réunit tant de genres musicaux différents, quel intérêt particulier y a-t-il à être responsable de la programmation d’un genre musical donné?
Laurence Vinclair: L’intérêt est tout simplement d’avoir l’honneur de pouvoir mettre en valeur pendant 3 jours des artistes qui le méritent, artistes pour certains que je vois évoluer tout au long de l’année, voire depuis des années. Et surtout de pouvoir faire découvrir à un public varié des styles qu’il n’écouterait pas spécialement.
Quels ont été les critères appliqués pour le choix des différents artistes/groupes?
Les différents critères sont : la qualité, l’actualité, la motivation des artistes, et le potentiel à se développer.
Quelles sont les tendances actuelles dans le genre musical que vous programmez? Quels sont les effets de ces évolutions sur les acteurs de la scène musicale suisse?
La tendance la plus claire est le hip-hop ou musique urbaine, ce style a pris le lead sur le reste, on a pu le constater en regardant la programmation des clubs et des festivals depuis deux ans.
Stefano Saccon, programmation jazz
Dans le cas d’un festival qui réunit tant de genres musicaux différents, quel intérêt particulier y a-t-il à être responsable de la programmation d’un genre musical donné?
Stefano Saccon: L’intelligence et la force du festival est de faire appel à des personnes compétentes dans chacun des domaines afin de cibler au mieux les musiciens représentatifs. Faire partie d’un comité de spécialistes est en enjeu stimulant pour proposer une programmation pertinente et complémentaire.
Quels ont été les critères appliqués pour le choix des différents artistes/groupes?
La diversité de l’offre dans le domaine du jazz impose un regard large avec des critères qui doivent s’adapter aux démarches artistiques. Il faut dans tous les cas que le projet soit original et qu’il soit une valeur ajoutée au reste de la programmation, que le projet soit en phase avec son temps, que l’ancrage dans la tradition soit lisible, qu’il démontre une certaine maturité et un développement possible.
Quelles sont les tendances actuelles dans le genre musical que vous programmez? Quels sont les effets de ces évolutions sur les acteurs de la scène musicale suisse?
Il y a 3 types de tendances à mon sens.
a) l’association de l’acoustique et de l’électronique, la curiosité autour du monde des DJ’s et l’éveil à de nouvelles textures sonores.
b) le minimalisme qui met en valeur le groupe au détriment du soliste dans une démarche plus traditionnelle.
c) la volonté de développer l’écriture sur des trames rythmiques complexes.
Aujourd’hui les musiciens étiquetés « Jazz » possèdent tous une très grande maîtrise instrumentale, une énorme curiosité qui stimule une créativité sans limite. Face à l’offre grandissante et, par conséquent, à la concurrence je trouve que les musiciens ont une humilité remarquable et un respect mutuel exemplaire.
Johannes Rühl, programmation pour la nouvelle musique folklorique
Dans le cas d’un festival qui réunit tant de genres musicaux différents, quel intérêt particulier y a-t-il à être responsable de la programmation d’un genre musical donné?
Johannes Rühl: Il existe peu de festivals qui réunissent un panel stylistique aussi large que Label Suisse. C’est déjà une belle performance en soi. Concernant le choix du programme, il faut se dire que chaque style musical doit pouvoir trouver sa place aux côtés des autres productions. De plus, il faut s’attendre à voir un public très hétéroclite assister aux concerts. Un festival comme celui-ci est vraiment unique pour les personnes curieuses. C’est le meilleur public que l’on puisse souhaiter.
Quels ont été les critères appliqués pour le choix des différents artistes/groupes?
La nouvelle musique folklorique est essentiellement présente en Suisse alémanique. Il faut parfois du temps à l’oreille pour s’y faire. Il s’agit donc de susciter l’intérêt du public issu des autres régions du pays. Par conséquent, les groupes qui viennent à Lausanne doivent faire preuve d’une certaine ouverture stylistique. Nous avons surtout tenu compte de ce point, en plus de la qualité, naturellement.
Quelles sont les tendances actuelles dans le genre musical que vous programmez? Quels sont les effets de ces évolutions sur les acteurs de la scène musicale suisse?
En fin de compte, la nouvelle musique folklorique suisse est un héritage du folk du siècle dernier. Autrefois, la musique était un acte de contestation. Aujourd’hui, les musiciens sont très attachés à la tradition. Ils appréhendent les supports sans œillères et créent ainsi quelque chose de neuf, encore jamais entendu. La haute école de musique de Lucerne est importante pour ce genre musical. Depuis quelques années, elle produit des artistes extrêmement talentueux. L’évolution est loin d’être finie et je crois qu’il y a encore de très belles et nombreuses choses à venir.
Claire Brawand, programmation musique classique et contemporaine
Dans le cas d’un festival qui réunit tant de genres musicaux différents, quel intérêt particulier y a-t-il à être responsable de la programmation d’un genre musical donné?
Claire Brawand: L’acte de programmer s’inscrit toujours dans un contexte spécifique dont il faut tenir compte. Dans le cas de Label Suisse (diversité des styles avec une prédominance des musiques actuelles, dimension nationale, diversité des lieux, entrée libre, public très large, dont beaucoup de jeunes), le contexte diffère fortement du cadre habituel de la musique classique (du baroque à nos jours) et de ses mélomanes avertis. J’y vois là un champ d’expérimentation très fertile qui rend ma mission de programmation d’autant plus stimulante ; un des objectifs principaux étant d’attirer les festivaliers à découvrir l’univers classique au travers d’une personnalité, d’une énergie ou encore d’un format de concert spécial. La grande liberté de circulation de Label Suisse renforcée par le mélange des styles dans un même lieu permet cela.
Quels ont été les critères appliqués pour le choix des différents artistes/groupes?
Pour la programmation classique, j’ai privilégié des artistes – interprètes et compositeurs – puissants et singuliers dont la démarche est en résonance forte avec l’identité du festival, à savoir : contemporaine, donc actuelle, et exploratoire. Une telle disposition de la part des artistes classiques est nécessaire pour le contexte particulier de Label Suisse. Ceci a eu pour résultat de nous concentrer sur les répertoires des 20e et 21e siècles (dont des créations), avec, pour le second, un fort accent sur les compositeurs suisses toutes générations confondues.
Quelles sont les tendances actuelles dans le genre musical que vous programmez? Quels sont les effets de ces évolutions sur les acteurs de la scène musicale suisse?
La transdisciplinarité grandissante entre les arts (visuels, sonores, compositionnels) et les esthétiques. Un large renouvellement de la part des jeunes générations de musiciens de pointe dans l’approche de leur programmation de concerts. Aujourd’hui, ils envisagent en effet l’apport de la musique «classique» sans les barrières héritées souvent des générations précédentes.