Début août 2016, SUISA a annoncé une collaboration avec la société de gestion américaine SESAC. Quels sont les projets de ces deux sociétés?
Andreas Wegelin: SUISA et notre société-sœur américaine SESAC souhaitent collaborer sur le marché de la musique en ligne. Concrètement, il s’agit d’octroyer des licences en ligne à l’échelle internationale. C’est dans ce but que nous fondons une joint-venture. La nouvelle entreprise attribuera des licences pour les répertoires de SUISA et SESAC pour toute l’Europe aux fournisseurs de services de streaming ou de téléchargement de musique. La joint-venture proposera également ses prestations à des tiers, par exemple aux grands éditeurs pouvant attribuer des droits en ligne eux-mêmes en Europe ou à d’autres sociétés de gestion étrangères.
SUISA et SESAC négocieront conjointement avec les fournisseurs de services en ligne dans le cadre de la joint-venture. Il ne s’agit pas uniquement de négocier avec les fournisseurs avec lesquels SUISA a déjà des contrats. Des contrats seront également négociés avec de nouveaux fournisseurs.
Comment la collaboration entre SUISA et SESAC est-elle née?
SESAC était à la recherche d’un partenaire fiable pour les marchés en dehors des Etats-Unis afin de pouvoir octroyer des licences sur son répertoire dans ces régions. Dans ce contexte, notre société-sœur américaine s’est tournée vers SUISA et lui a proposé cette collaboration.
Quels avantages offre la joint-venture à ces deux sociétés?
Les deux sociétés de gestion souhaitent que leurs membres puissent bénéficier financièrement de l’utilisation en ligne de leurs œuvres. La joint-venture couvre un répertoire d’environ 11,5 millions d’œuvres de SESAC et 4,5 millions d’oeuvres de SUISA, représentant plus de 110 000 compositeurs, auteurs et éditeurs. Grâce au volume et à la pertinence des répertoires réunis, les deux entreprises renforcent leur position dans la négociation face aux prestataires de services en ligne. C’est le principal avantage de la joint-venture; les intérêts des membres de SUISA et de SESAC pourront en effet être représentés avec plus de poids dans les négociations avec à Spotify, Apple, YouTube et autres. La rémunération équitable des auteurs et des éditeurs pour l’utilisation en ligne de leur musique est donc la principale préoccupation.
Un autre aspect de la collaboration est également important, en particulier pour SUISA. Ces dernières années, nous avons investi dans la modernisation de notre infrastructure informatique, entre autres afin de créer une bonne base pour le marché de la musique en ligne. Nous pouvons désormais offrir nos prestations informatiques moyennant rémunération à d’autres sociétés et éditeurs, et mieux exploiter nos systèmes. De plus, nous obtiendrons ainsi de meilleures recettes annexes. La moitié des bénéfices de la joint-venture revient par exemple à SUISA. Une augmentation des recettes annexes permettra de pouvoir maintenir les faibles coûts facturés aux membres de SUISA. En tenant compte de la distribution supplémentaire, la déduction s’élevait chez nous à 6,76% en 2015.
Avoir un taux de frais administratifs plus bas sera aussi une préoccupation importante à l’avenir. Il est tout à fait possible que dans quelques années, une situation de concurrence naisse concernant la perception des droits d’émission, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les droits en ligne. Dans le pire des cas, une partie des recettes liée à l’utilisation des droits d’émission pourrait être supprimée. Ainsi, nous aurions moins de recettes pour des dépenses presque identiques. Par conséquent, les coûts facturés aux membres augmenteraient.
Grâce à la collaboration avec SESAC dans le cadre de la joint-venture, SUISA peut non seulement renforcer sa position sur le marché en ligne mais également générer des recettes annexes qui contribuent à maintenir un taux de frais peu élevé, tout cela pour le bien des membres de SUISA.
Qu’est-ce qui change pour les membres de SUISA avec la joint-venture?
Pour les membres, le travail avec SUISA ne change pas, tant en ce qui concerne l’offre de prestations de services que la perception des droits. Il n’y aura ni nouveau contrat de gestion, ni modifications du règlement de répartition en lien avec la joint-venture. Le suivi continuera d’être effectué par la division Membres de SUISA. Les interlocuteurs restent les mêmes. Le fait que les licences soient désormais octroyées par la joint-venture n’engendre pas de charges administratives supplémentaires pour les membres. Seuls les prestataires de services en ligne verront un changement: l’octroi de licences relatives au répertoire SUISA se fera désormais par le biais de la joint-venture.
Combien de collaborateurs travailleront pour la joint-venture et où se trouvera le siège de la société?
La structure exacte de la joint-venture ainsi que le choix du siège de la société ne sont pas encore définis. Nous veillerons à ce que la structure organisationnelle de Mint reste aussi simple que possible. Aussi bien SUISA que SESAC ont pour objectif de travailler efficacement et de maintenir des coûts administratifs au plus bas.
Quels sont les rapports de propriété de la joint-venture? Une partie de SUISA va-t-elle être vendue?
Non. SUISA reste autonome à 100%. Elle intègre ses services dans la joint-venture. De plus, les deux entreprises participent chacune à hauteur d’un montant bas à six chiffres pour couvrir les dépenses initiales de l’entreprise commune. Mint appartient à 50% à SESAC et à 50% à SUISA. Cela signifie que les deux entreprises sont partenaires égalitaires dans la joint-venture.
Que signifie la joint-venture pour les collaborateurs de SUISA? Y’aura-t-il une réorganisation ou une réduction des effectifs?
Il n’y aura pas de licenciements liés à la joint-venture chez SUISA. En ce qui concerne l’organisation de l’entreprise, certains collaborateurs qui travaillent déjà dans le domaine de l’octroi de licences en ligne effectueront désormais leur travail pour le compte de Mint. Il n’y aura toutefois pas de réorganisation de SUISA du fait de la joint-venture.
Pour SUISA, la joint-venture est un développement significatif: comme mentionné auparavant, il règne sur le marché de la musique en ligne en Europe une concurrence internationale. Suisa et les autres sociétés de gestion étrangères peuvent percevoir dans toute l’Europe les droits liés à l’utilisation en ligne de leur répertoire. Ainsi, SUISA est en concurrence directe sur le marché de la musique en ligne avec des sociétés comme la SACEM, GEMA, PRS ou la STIM suédoise. Cette concurrence est une expérience nouvelle pour SUISA. Avec notre offre de prestations précises, nous sommes équipés pour y faire face. C’est un avenir intéressant qui s’offre à nous.
Christian Fighera, co-fondateur de Two Gentlemen et membre du Conseil de SUISA, au sujet de la joint-venture: «Je suis très content de l’initiative de Suisa de consituer cette joint-venture avec SESAC. Dans un monde où la distribution numérique est totalement libéralisée, il est intéressant de pouvoir mettre nos membres sur le même pied d’égalité que des auteurs internationaux de renom, de pouvoir licencier globalement un catalogue complet et attractif, tout en renforçant nos compétences et nos liens avec de nouveaux partenaires. Cette joint-venture profitera autant aux auteurs émergeants qu’aux artistes confirmés et elle prouve que SUISA sait évoluer tout en gardant un service de proximité et de qualité.» |
Qui est SESAC? SESAC est l’une des trois grosses sociétés de gestion américaines actives dans le domaine des droits d’exécution. La société a été formée en 1930 et est une société privée. John Josephson est depuis deux ans CEO et Chairman de SESAC. Il essaie d’innover et d’adapter son entreprise aux défis que doit relever le monde musical dans le domaine de la technologie et essaie dans la mesure du possible de proposer une guichet unique aux prestataires musicaux. SESAC a également investi dans le domaine informatique afin d’être à la pointe de la technologie dans ce domaine. En 2014, SESAC a acheté Rumblefish, une société spécialisée dans les micro licences. L’année dernière, SESAC a également acquis la Harry Fox Agency (HFA), l’une des sociétés leader dans le domaine des droits mécaniques. SESAC représentent des artistes comme Bob Dylan, Neil Diamond, Green Day, Mariah Carey, Lady Antebellum et bien d’autres à travers le monde. Les compositeurs de film représentés par SESAC se nomment par exemple Christophe Beck, Jeff Beal, Danny Lux, Jon Ehrlich, Dennis C. Brown ou Bruce Miller. SESAC représente de plus des TV-Shows comme Grey’s Anatomy, How I Met Your Mother, Parenthood, Dateline NBC, Dr. Phil, Seinfeld ou The Doctors. A propos d’Harry Fox Agency: HFA gère depuis 1927 les droits mécaniques pour les maisons d’édition aux USA, elle représente aujourd’hui environ 48 000 maisons d’édition et un répertoire de plus de 6,7 millions de compositeurs. Après la reprise par SECAC, les répertoires sont représentés conjointement et gérés par le système de SESAC. |