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Le point sur les hitboxes, trois ans après leur introduction

Le point sur les hitboxes, trois ans après leur introduction
Constat sur la base du monitoring par les hitboxes: «Jung verdammt» de Lo & Leduc a été davantage diffusé en 2015 dans les clubs suisses que «Crazy In Love» de Beyoncé.
Photo: Luca Monachesi
Texte de Nicolas Pont
Après une phase de test de deux ans, les enregistrements des hitboxes ont servi de base pour la répartition des droits liés à la musique provenant de supports sonores à partir de janvier 2014. Il est désormais possible de tirer un premier bilan de ce nouveau système, tant au niveau des données récoltées que des réactions des membres et des propriétaires des établissements concernés.

L’objectif de la révision de la classe de répartition 12 concernée par les hitboxes ainsi que le fonctionnement de ces appareils ont été expliqués dans le SUISAinfo 3.13 (PDF, 913 Ko). Il est toutefois utile de préciser que les hitboxes sont utilisées principalement pour répartir les redevances de droits d’auteur liées aux manifestations dansantes et récréatives à l’intérieur (discothèques) ou à l’extérieur (foires, festivals de rue) de l’industrie hôtelière, à savoir des manifestations dans le cadre desquelles la musique (qui provient de supports sonores) est certes importante, mais ne constitue pas l’unique motivation du public.

Lorsqu’un DJ se produit en concert, la répartition s’effectue en revanche, comme auparavant, sur la base des programmes remis par les artistes et transmis à SUISA par les organisateurs. Cela est également le cas pour les festivals de musique électronique, comme l’Electron festival de Genève par exemple. En tout, c’est une somme de l’ordre de six millions de francs suisses par année, provenant de treize tarifs différents, qui est répartie sur la base des données analysées par Yacast, l’entreprise française qui gère le système.

L’objectif des hitboxes est une répartition équitable en faveur des auteurs et éditeurs

Afin de constituer un panel d’établissements représentatifs, tenant compte des différents styles musicaux et régions linguistiques, il a été fait appel à des statisticiens de l’Université de Zurich. Au début, certains propriétaires ont éprouvé des réticences, qui ont peu à peu disparu, quant à l’installation des hitboxes. Des problèmes techniques sont apparus ça et là lors de la mise en place ou de la maintenance; des câbles défectueux ou enlevés par mégarde ont expliqué certains dysfonctionnements.

D’autres craintes exprimées initialement se sont avérées infondées ou ont pu être atténuées, notamment la peur que l’appareil permette également de percevoir des conversations privées ou puisse être manipulé, en enregistrant par exemple la musique provenant d’un smartphone et non celle effectivement exécutée dans la discothèque. L’écoute d’un échantillon d’enregistrement a permis d’établir que les éventuels dialogues privés n’étaient pas audibles. Enfin, un micro d’ambiance extérieur à la hitbox permettait de s’assurer de la concordance entre la musique enregistrée et celle effectivement exécutée dans l’établissement.

L’esprit d’ouverture des propriétaires de clubs vis-à-vis des hitboxes doit être salué. Certains établissements qui diffusent de la musique «de niche» permettent grâce à une telle installation de promouvoir des artistes locaux et de réfuter ainsi certaines critiques faites au système de monitoring, par exemple celle prétendant qu’il favoriserait les majors et la musique dite «mainstream». L’objectif d’une répartition aussi correcte que possible aux auteurs de la musique exécutée est également rempli grâce au choix d’une palette de clubs aussi représentative que possible.

Le taux de reconnaissance des enregistrements est supérieur à 95%

La société Yacast s’est contractuellement engagée à garantir un certain taux de reconnaissance. Cet aspect a été également soigneusement examiné durant la phase de test. Depuis la mise en fonction des appareils il y a deux ans, le taux de reconnaissance s’est élevé à 96% en 2014 et à 97% en 2015. De plus, un système a été mis en place pour permettre aux membres qui auraient des doutes quant à la reconnaissance de certaines de leurs œuvres, d’obtenir un accès direct à la base de données de Yacast, afin d’y uploader leur fichier audio. Il faut pour cela s’annoncer.

Plusieurs membres et utilisateurs ont souhaité obtenir l’étude qui a conduit à la sélection des établissements susceptibles d’être équipés de hitboxes ainsi que la liste de ceux-ci. Il n’a malheureusement pas été possible d’accéder à ces demandes. SUISA doit garantir que le système de monitoring ne puisse pas être manipulé. Si l’emplacement des hitboxes était révélé, ces informations pourraient influencer les artistes dans le choix d’un lieu de production, faussant ainsi la représentativité des données et par voie de conséquence la répartition des recettes. Il ne s’agit donc pas d’empêcher la transparence ou de dissimuler certaines données, mais bien de garantir la confidentialité, indispensable pour que le système puisse fonctionner de manière satisfaisante.

Il est toutefois possible de fournir les indications suivantes. En 2014 et 2015, respectivement 43 et 45 clubs et discothèques, sur les environ 500 que comptent la Suisse, ont été équipés d’une hitbox. Les enregistrements ne sont pas continus, mais effectués de manière irrégulière, à des moments que personne ne connaît, ce qui garantit également que le système ne puisse pas être influencé. En moyenne, environ 6000 heures de musique ont été enregistrées annuellement, durant lesquelles près de 30 000 œuvres ont été identifiées.

Lo & Leduc devant Beyoncé!

La Suisse est un pays importateur de musique et près de la moitié des recettes de SUISA sont versées chaque année à l’étranger. En décidant de créer une répartition sur la base des hitboxes, SUISA était donc parfaitement consciente que cette tendance risquait de se confirmer. Tel a été le cas, mais de manière moins marquée que prévue, avec de bonnes surprises à la clé. A titre d’exemple, le titre «Jung verdammt» du groupe bernois Lo & Leduc, composé exclusivement de membres SUISA, figure parmi les dix titres les plus reconnus de l’année 2015, loin devant Beyoncé et son «Crazy In Love».

La cause du passage aux hitboxes réside également dans le fait que l’ancien système, basé sur la remise de programmes, a donné lieu à de nombreux abus et présentait des lacunes. Il était ainsi devenu fréquent de recevoir des déclarations concernant des manifestations musicales censées se dérouler dans des établissements pourtant fermés depuis plusieurs mois. Une partie non négligeable des recettes était ainsi versée à des ayants droit certes membres SUISA, mais auteurs uniquement sur le papier, cela au détriment des artistes, y compris suisses, dont les œuvres étaient effectivement jouées.

Pour des raisons de coûts, il n’est pas possible d’installer une hitbox dans chaque club et il peut arriver que certaines exécutions ne soient pas prises en considération. Le système actuel permet cependant de disposer d’un nombre beaucoup plus important d’informations que précédemment, lorsque les programmes des DJ étaient traités «manuellement», ce qui permet une répartition plus équitable des redevances. L’installation des hitboxes a également permis une importante réduction des coûts relatifs au traitement des données, désormais automatisé.

Enfin, à l’heure où chaque client peut à l’aide de son smartphone connaître le titre et l’interprète des œuvres diffusées dans un établissement, le fait de s’en remettre à des déclarations papier pour répartir les droits n’était plus crédible. D’autant plus que le développement de la gestion électronique est expressément exigé de la part des sociétés de gestion, notamment dans le cadre de la révision de la loi sur le droit d’auteur.

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