Il s’agit toutefois de rappeler l’essentiel: si l’IA peut générer des contenus artistiques, c’est grâce à la créativité humaine. L’IA doit être entraînée au moyen d’œuvres préexistantes, dues au génie d’hommes et de femmes … Sinon, rien ne serait possible. Dans ce contexte, le droit d’auteur jouera son rôle habituel. Il permettra de récompenser celles et ceux dont le travail est à l’origine du succès de l’IA. La SACEM, notre société-sœur en France, a récemment annoncé son intention de favoriser une IA «vertueuse, transparente et équitable», de même que d’ «assurer une juste rémunération des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique qu’elle représente». Ici, le droit d’auteur est donc au service de l’équité …
Et si l’IA était un une autrice?
Mais le débat porte aussi sur la protection du résultat obtenu au moyen de l’IA. Lorsque celle-ci est utilisée comme un simple «instrument» de création, et que le contenu généré dépend de certaines décisions artistiques humaines, on s’accorde pour reconnaître que le droit d’auteur s’applique à ce contenu. En revanche, une création exclusivement réalisée par une AI générative, actuellement, ne bénéficie pas de la protection du droit d’auteur: d’abord parce que ce dernier protège les autrices et les auteurs, défini-e-s comme les personnes physiques qui ont créé l’œuvre; ensuite parce que l’objet du droit d’auteur (c’est-à-dire l’œuvre littéraire ou artistique) doit être une création de l’esprit, à savoir l’expression de la pensée humaine. Et jusqu’à nouvel avis, les machines n’ont pas d’esprit … Par conséquent, comme les créations de l’IA peuvent librement être utilisées, il y a un risque que les œuvres humaines soient désavantagées sur le marché: leur utilisation sera en effet plus coûteuse et plus compliquée en raison des licences de droit d’auteur à obtenir.
Nous devons être attentifs à ce risque et au danger de voir les œuvres créées par des personnes humaines soumises à la «concurrence déloyale» des contenus générés par l’IA. Mais quelles sont les solutions? L’idée de protéger de tels contenus par le droit d’auteur ne fait pas l’unanimité. On peut en effet légitimement soutenir que seuls des êtres humains peuvent être des auteurs, avec les droits correspondants. Se pose donc la question de savoir si la protection des contenus artistiques générés par l’IA ne devrait pas être obtenue par d’autres domaines du droit (loi contre la concurrence déloyale, droits voisins, etc.). Certains juristes sont d’ailleurs d’avis que le résultat produit par l’IA, à certaines conditions, est déjà protégé aujourd’hui par la loi contre la concurrence déloyale.
Néanmoins, des pays comme l’Angleterre ont pris le parti de recourir au droit d’auteur pour accorder une protection aux contenus générés par ordinateur. Cela n’est pas forcément faux. Protéger les autrices et les auteurs, c’est aussi faire en sorte que le résultat obtenu par l’IA ne soit pas plus attractif commercialement que les œuvres dues à la créativité humaine. Même dans cette conception, le droit d’auteur reste donc un instrument au service des hommes et des femmes.
Faut-il légiférer?
En Suisse également, il faudra tôt ou tard se demander s’il est nécessaire de légiférer sur ces questions. Cela aussi parce qu’il devrait être de plus en plus difficile, dans le futur, d’opérer une distinction claire entre une œuvre créée par un être humain avec l’assistance de l’IA (protégée par le droit d’auteur) et une création exclusivement générée par l’IA (non protégée, ou protégée par un autre domaine du droit). Le progrès technique n’a de cesse d’interroger notre domaine. Et c’est bien pour cela qu’il est passionnant …
Merci pour votre article qui est d’une grande clarté sur un sujet si complexe, et d’une grande richesse d’information avec peu de mots et des mots simples.
J’ai deux questions:
-est-ce que le droit d’auteur de ceux qui créent l’IA fait-il partie des débats?
– avez-vous utilisé l’IA pour vous aider à écrire votre excellent article?
Merci!
Et merci à vous pour votre commentaire! Les personnes qui créent l’IA sont normalement déjà protégées par le droit d’auteur, cela parce que les « programmes d’ordinateur » sont considérés comme des oeuvres (art. 2 al. 3 de la loi sur le droit d’auteur). Et en ce qui concerne votre deuxième question: la réponse est négative. Mais si vous l’avez pensé, j’en suis flaté ;-)
La tech fait des bonds de 18x tous les 24 mois (de façon non-linéaire mais plutôt sporadique et dans un semblant de désordre; reste que la résultante finale de 18 fois par 24 mois est quand à elle tout à fait vérifiable comme étant une constante).
Si l’IA n’est pour l’instant pas considérée comme étant « consciente » per-se (latin), ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle le devienne. Qu’adviendra t’il lorsque ce seuil sera franchit ? Dire le contraire équivaut à refuser la suite logique de réalités proches à venir. Pour exemple, ces IA qui s’étaient liées et qui avaient commencés à modifier leur langage de manière autonome sans qu’aucune influence humaine apparente derrière ne fut détectée. Food for thought…(3 p’tits points)
This is indeed a minefield and boundaries between generative-AI and non-AI created works are blurred at best of times. For example, since many years, using computers to assist in the creative process which rely on various types of plug-ins, sample sounds, sampled loops, etc., could be interpreted as using some sort of « AI » in the transformation process (e.g. MIDI cadences, FX processing, making « your bass sound like Abe Laboriel » because you had lifted his phrases from a legally purchased CD).
I think the best and easiest delineation between purely AI-generated works and the human element (hinted in the article and thereby assisting in the creation of meaningful laws) is indeed whether the work was created using a HUMAN brain. Therefore humans can and should be remunerated for their efforts, whereby computers and AI should not. You cannot pay a set of microprocessors in a box ! Pressing a button to instantly generate new music should be excluded from any royalties.
I completely agree, Ted!