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«La musique place le texte dans un contexte»
Lo et Leduc.
Photo: Maximilian Lederer
Interview de Markus Ganz, contributeur invité
Lors des Swiss Music Awards, le 25 mai 2022, le public votera pour le «Best Hit» qui récompensera la meilleure composition. Lo & Leduc, Zian et Joya Marleen sont nominés pour cette distinction présentée par SUISA. Nous avons demandé à Lo & Leduc quel rôle jouait le texte dans leur chanson «Tribut».

À votre avis, quelle est l’importance des paroles dans une chanson?

Lo: C’est une question qui divise. Dans notre cas, elles sont importantes; j’ai sûrement plus de talent pour les textes que pour le chant. De notre point de vue, il est plus exigeant de faire de la musique avec des textes en suisse allemand qu’en utilisant l’anglais, qui crée une plus grande distance vis-à-vis du contenu. Et en écrivant des textes en dialecte, on fait de la musique pour un public très restreint.
Leduc: Pour nous, les textes sont notre cœur de métier.

Avez-vous une manière de procéder bien à vous pour écrire les textes de vos chansons?

Lo: C’est très variable, tout est possible. En général, un de nous deux a une idée. Ça peut aussi être un refrain ou une mélodie. Ensuite, on travaille d’abord individuellement, ou parfois déjà ensemble. Le plus tard possible dans le processus, on termine tous les textes ensemble. Parfois, c’est juste la touche finale, mais parfois aussi, on écrit la deuxième strophe et on doit donc réécrire la première. Il n’y a pas de procédure fixe. La seule chose qui s’est imposée est que je tiens une archive de textes et Luc une archive de photos.
Leduc: C’est presque obsessionnel, la façon dont j’essaie de mettre les choses dans des catégories, parce que j’ai besoin de structure afin de pouvoir réfléchir et travailler dans les dossiers. C’est souvent passionnant parce que cela nous permet de soumettre une nouvelle idée à l’autre. Il est également important que chacun apporte sa propre perspective. Une nouvelle approche permet de rassembler des idées, mais aussi de filtrer les idées qui pourraient entrer en ligne de compte pour la chanson. Ensuite, on laisse mûrir l’idée de chanson, et on la retravaille ensemble plus tard.

La musique de la chanson «Tribut» provient de l’équipe de production Jugglerz. Comment s’est passée votre collaboration, notamment l’harmonisation du texte et de la musique?

Lo: Cette chanson est un cas à part. L’idée du texte date d’une dizaine d’années, mais elle est restée inachevée. Quand on a commencé à travailler avec les Jugglerz en 2020-2021, on a écouté beaucoup de leurs beats et ébauches de chansons et on a trouvé un riff de guitare qui nous a emballés. Il collait bien avec ce texte hyper ancien! Alors on l’a sorti des archives, on l’a réécrit et adapté à la musique.

Cette ancienne version du texte était-elle sans musique?

Lo: Non, on avait bien une musique, et on a essayé plusieurs fois d’en faire une chanson ces dix dernières années mais on s’est retrouvés à chaque fois dans une impasse.
Leduc: C’est un bel exemple qui montre que parfois, le moment n’est pas encore venu pour une chanson. «Tribut» contient le texte la plus ancien de notre album actuel, «Mercato», mais aussi le plus récent: la fin du refrain a été la dernière partie que nous avons écrite pour l’album, c’est donc un grand écart.

La collaboration avec les Jugglerz était-elle clairement définie?

Leduc: Parfois, la frontière entre musique et texte s’estompe, mais ici, nous avons clairement montré des versions antérieures et nous avons constaté que leurs ébauches correspondaient aux nôtres. Ensuite, nous avons adapté notre texte à leur nouveau rythme.

«Tribut» comporte un texte complexe sur ce que les chansons peuvent exprimer ou non. Quel était le point de départ de la version originale?

Lo: On trouve l’idée de base au début de la première strophe: le sentiment d’écrire une chanson d’amour tout en sachant qu’on ne peut pas rendre justice à l’amour. C’est une contradiction. On chante «aber Liebi isch kes Lied»; ça donne une ouverture à cette chanson qui se termine en disant que la musique est malgré tout un vecteur de l’amour, permettant d’exprimer de tels sentiments, mais pas de manière aussi directe.
Leduc: En ce qui concerne le texte, tout figurait déjà dans la première version. On a ensuite renforcé l’aspect musical, c’est-à-dire que la musique est une sorte de carte mémoire de souvenirs, même quand on n’entend pas de musique. Sur les vinyles ou les cassettes, on peut même entendre les pauses entre les chansons et les intégrer à l’ensemble.

Lors de la genèse de la chanson, comment votre texte et la musique des Jugglerz se sont-ils influencés mutuellement?

Lo: D’abord, on a modifié la tonalité de leur ébauche de beat, qui était une boucle de 30 secondes sans arrangement. Ensuite, on a adapté le texte et défini l’arrangement en studio avec Jonas Lang: la longueur des strophes, le pré-refrain, etc. Ensuite, on a dû pratiquement réécrire le texte du refrain parce qu’il ne fonctionnait plus. À la fin, on a dû adapter une nouvelle fois le texte à la musique, où l’on entend la version originale de l’ébauche du beat.
Leduc: Ça montre bien que c’est le souvenir de ce beat de départ qui a été à l’origine de la chanson.

Souvent, le texte d’une chanson n’a un impact, un sens qu’une fois mis en musique. Quelle est la contribution de la musique à l’impact du texte de «Tribut», qui est en réalité explicite?

Leduc: Elle place le texte dans un contexte. Par exemple, on le ressent bien au moment où elle se brise à la fin, passant à la tonalité mineure parallèle: on quitte ce qu’on connaissait pour passer dans une sorte de monde parallèle.
Lo: Je crois que c’est même le cas avant. L’ambiance n’est pas triste, mais la musique a une certaine nostalgie.
Leduc: Oui, j’ai l’impression que l’esthétique « trap » très constante aide à créer une sorte de contrepoint, à trouver un équilibre, pour que cela ne se transforme pas en une chanson nostalgique, ce qui se produit beaucoup trop souvent dans la pop chantée en dialecte.

«Tribut»
Composition: Jonas Lang (DJ Jopez), Joachim Piehl (Sir Jai), Martin Willumeit (DJ Meska) (équipe de producteurs connue sous le nom de Jugglerz).
Texte: Lorenz Häberli (Lo), Luc Oggier (Leduc).

www.lo-leduc.ch

Swiss Music Awards: SUISA rend honneur aux auteurs-compositeurs du «Best Hit»
Dans la catégorie «Best Hit», les meilleures chansons du hit-parade suisse de l’année précédente sont nominées aux Swiss Music Awards et la chanson lauréate est plébiscitée par le public au cours du show télévisé. Pour la première fois cette année, SUISA est le «Presenting Partner» de la catégorie «Best Hit», et met l’accent sur le travail des compositeurs/-trices et des paroliers/-ères de la chanson lauréate. En 2022, les chansons nominées dans la catégorie «Best Hit» sont «Tribut», «Show You» et «Nightmare». (Texte: Giorgio Tebaldi)
www.swissmusicawards.ch

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