Aller au contenu
Jessiquoi, ou la liberté de se réinventer
Jessiquoi
Photo: Manuel Lopez
Texte de Rudolf Amstutz, contributeur invité
La recherche identitaire est sa force créatrice. C’est dans ce contexte que Jessica Plattner alias Jessiquoi crée une œuvre d’art audiovisuelle complète. Selon ses propres dires, la Bernoise de 31 ans déborde d’idées. Grâce à la contribution Get Going!, plus rien ne la retient dans la réalisation de ses objectifs. – La versione italiana del testo si trova sotto.

«Quand je serai grande, j’aimerais avoir un piano à queue sur scène», dit Jessica Plattner en riant de ses mots. Bien entendu, la jeune femme de 31 ans est déjà adulte, mais ce qu’elle veut nous faire comprendre, c’est que sa voie d’artiste est loin d’être toute tracée. Pourtant, avec son alter ego Jessiquoi, elle fait déjà partie des artistes musicaux suisses les plus impressionnants. Elle compose et produit elle-même sa musique. Elle réalise aussi les effets visuels et crée sans cesse de nouveaux univers fantastiques dans lesquels Jessiquoi se réinvente et se redéfinit en permanence à travers des univers sonores électro, parfois doux, parfois granitiques.

«Pour moi, l’identité est quelque chose de fluide», dit Jessica, puis elle cite la drag-queen RuPaul: «You’re born naked. The rest is drag.» Et d’ajouter: «Je pense que chacun possède la liberté de se réinventer. La volonté de prendre une tout autre direction dans la vie ne requiert aucune justification. C’est comme un jeu vidéo dans lequel chacune et chacun peut créer son propre avatar.»

La recherche identitaire comme force créatrice: ces mots prennent tout leur sens lorsqu’on se penche sur l’extraordinaire biographie de Jessica. Elle est née à Berne. Peu après, sa famille quitte la Suisse pour l’Australie. Alors qu’elle est adolescente, son père se voit offrir un poste au conservatoire de Berne, et toute la famille retourne en Suisse. À ce moment-là, la vie de la jeune fille prend un tout autre cours. Jessica voulait devenir danseuse professionnelle et suivait une formation à Sydney. De plus, la famille Plattner parlait uniquement l’anglais à la maison. «Si j’avais voulu poursuivre ma carrière de danseuse, j’aurais dû aller à Rotterdam ou à Berlin. Or, je voulais rester avec ma famille», avoue-t-elle. «Au début, je me sentais étrangère à Berne, exclue. J’ai appris à parler le dialecte bernois, et soudain, tout le monde était gentil.» La langue ne lui a posé aucune difficulté. D’ailleurs, son professeur d’allemand l’appelait «Tape Recorder»: «parce que j’étais capable de tout répéter parfaitement», rit-elle.

Existence alternative

La recherche identitaire dans ce pays étranger l’a finalement menée à la musique, au détriment de la danse. «Nous avons toujours eu un piano à la maison, mais je n’y avais jamais touché. J’avais suivi quelques leçons, mais c’était horrible. Puis, un jour, j’ai commencé à composer mes propres chansons», raconte-t-elle en relatant ses débuts musicaux.

Mais comme si la perte de ses repères n’était pas suffisante, Jessica est frappée, il y a sept ans, par un coup du destin inimaginable et terriblement douloureux. Son petit frère, de deux ans son cadet, décède. «Nous partagions tout. Les gens nous prenaient souvent pour des jumeaux», dit-elle, avant de raconter que son frère était celui qui lui avait fait découvrir l’univers des jeux vidéo et des musiques de film.

C’est justement dans ces univers, où chacun peut se réinventer, que Jessica s’est sentie chez elle en tant que Jessiquoi. «On pourrait dire que Jessiquoi est un personnage imaginaire, mais en réalité, elle est simplement une autre version de moi», explique-t-elle avant d’ajouter: «Ce personnage peut aussi sembler effrayant, car Jessiquoi n’évolue pas selon notre conception fixe des rôles des genres et de l’identité nationale.»

Aujourd’hui, sur ses albums, elle raconte ces univers étrangers, où les vallées sont polluées et les gens se réfugient sur les sommets des montagnes, où les pilotes sont capables de changer de direction vers une existence meilleure. Sur scène, Jessiquoi est seule à donner vie à cette existence alternative. Elle charge ses instruments électroniques et sa station de travail pour les effets visuels sur un chariot en bois, puis elle joue et danse en monarque absolue de la scène, ce lieu synonyme d’autodétermination et de repositionnement constant. Dans toute son intransigeance, l’œuvre d’art complète de Jessiquoi est impressionnante et a déjà su séduire le public à Séville ou New York.

Le chariot en bois, son «Wägeli» comme elle l’appelle affectueusement, tout comme la harpe chinoise qu’elle joue en direct sont des hommages à la culture chinoise, avec laquelle elle possède une grande affinité. «À l’école de langue, une amie chinoise m’a présenté sa culture, qui m’a d’emblée passionnée. Lors d’un de mes voyages en Chine, j’ai fait une drôle de rencontre: j’étais à Shanghai, il était trois heures du matin, et j’avais faim. Et là, il y avait cette vieille dame avec son chariot en bois qui lui servait de cuisine. L’image de ce vieux chariot au cœur de cette métropole ne m’a plus quittée. Je voulais être cette femme», raconte-t-elle amusée.

Composer de nouvelles chansons

Selon Jessica, l’autodétermination sans concessions et la liberté de préserver la fluidité de son être sont indispensables à son art. «Pour moi, le principal devoir des artistes est de rêver à une nouvelle civilisation et de donner vie à cette vision. Ce sont eux qui observent les gens et le monde autour d’eux, qui les analysent, les critiquent et les réinventent.»

Grâce à la contribution Get Going!, plus rien ne s’oppose à cette évolution passionnante. «Je gagne ma vie en jouant des concerts, ce qui me laisse toutefois moins de temps pour composer de nouvelles chansons. Avec cette contribution, je dispose de mon budget annuel», se réjouit-elle. La destination de ce voyage est totalement ouverte: «Je ne sais pas quelle musique je ferai demain. Je suis le cours de mon inspiration. Mais je ne me laisserai jamais dire quoi faire pour satisfaire aux exigences de marketing stratégique. Je travaille sur mon identité. Moi, et moi seule.»

www.jessiquoi.com

C’est en 2018 que la FONDATION SUISA a commencé à allouer ses nouvelles contributions à la création. Dans le cadre de «Get Going!», elle finance des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Nous consacrons chaque année une série de portraits aux bénéficiaires de ces contributions Get Going! L’appel à candidatures pour 2020 s’achèvera à la fin août.


Jessiquoi: la libertà di inventare se stessi

La ricerca dell’identità è la sua forza creativa trainante. Grazie a essa Jessica Plattner, alias Jessiquoi, crea un’opera d’arte audiovisiva totale. «Una fucina di idee», così si definisce la trentunenne di Berna. Grazie al contributo Get Going!, nessun ostacolo si frappone più al raggiungimento dei suoi obiettivi. Contributo ospite di Rudolf Amstutz

Jessiquoi: la libertà di inventare se stessi
Jessiquoi (Foto: Manuel Lopez)

«Quando sarò grande, mi piacerebbe avere un pianoforte a coda da suonare sul palco», rivela Jessica Plattner, ridendo per l’espressione scelta. La trentunenne è ovviamente cresciuta da tempo, ma da questa affermazione emerge come lei si consideri ancora un’artista su un percorso di sviluppo tutt’altro che concluso. E questo nonostante sia annoverata tra le performer più impressionanti di tutta la Svizzera nei panni del suo alter ego Jessiquoi. Oltre a comporre, Jessica si occupa anche personalmente della produzione. Gestisce anche l’aspetto visivo, creando incessantemente mondi fantastici in cui reinventa e ridefinisce costantemente se stessa con l’aiuto di paesaggi sonori elettronici a volte grezzi e a volte fini.

«Per me l’identità è qualcosa di fluido», sostiene Jessica e cita la drag queen Ru Paul: «You’re born naked. The rest is drag». Aggiunge poi: «Penso che ogni persona sia libera di reinventarsi. Non occorrono giustificazioni per volgere la propria vita in una direzione completamente nuova. È come in un videogioco, dove ognuno può scegliere il proprio avatar».

La ricerca dell’identità come forza creativa trainante: nel caso di Jessica è anche il risultato della sua straordinaria biografia. Originaria di Berna, è emigrata in Australia con la sua famiglia poco dopo la nascita. Quando era adolescente, a suo padre è stato offerto un lavoro presso il Conservatorio di Berna e la famiglia si è trasferita nuovamente in Svizzera. Questo evento ha dato una svolta alla vita della giovane Jessica, che desiderava diventare una ballerina professionista e aveva già intrapreso il necessario percorso di formazione a Sydney. Inoltre i Plattner parlavano esclusivamente inglese a casa. «Se avessi voluto continuare la mia carriera di ballerina, sarei dovuta recarmi a Rotterdam o a Berlino. Ma volevo restare con la mia famiglia», confida. «A Berna, inizialmente, avevo la sensazione di essere una straniera e mi sentivo esclusa. Solo quando ho iniziato a parlare tedesco bernese sono diventati tutti improvvisamente gentili». Imparare la lingua le è risultato facile, il suo insegnante di tedesco la aveva perfino soprannominata «tape recorder», «perché riuscivo a riprodurre tutto perfettamente», ricorda Jessica ridendo.

Esistenza alternativa

Ormai privata della danza, la ricerca della propria identità in questa patria straniera è sfociata nella musica. «Avevamo sempre avuto un pianoforte a casa, ma non l’avevo mai toccato prima. Avevo seguito solo qualche lezione, ma era stato terribile. Tuttavia, improvvisamente mi sono trovata a lavorare ai miei brani personali ogni giorno», così descrive i suoi esordi musicali.

Poi, come se la perdita del suo ambiente abituale non fosse stata un’esperienza sufficientemente amara, sette anni fa il destino ha inferto a Jessica il più duro colpo che si possa forse immaginare. Suo fratello, di due anni più giovane di lei, è deceduto. «Condividevamo tutto e da fuori ci scambiavano spesso per gemelli», rivela e racconta di come sia stato proprio il fratello a far sbocciare la sua passione per il mondo dei videogiochi e delle colonne sonore dei film.

È esattamente lì, in quei mondi dove chiunque può reinventarsi, che Jessica ha trovato la sua nuova patria come Jessiquoi. «Si potrebbe pensare che Jessiquoi sia un personaggio di fantasia, ma in realtà è solo una versione diversa di me», spiega e aggiunge: «Il personaggio può anche spaventare, perché Jessiquoi non si muove all’interno del nostro sistema fisso di chiari ruoli di genere e identità nazionali».

Adesso nei suoi album racconta proprio di questi mondi stranieri, dove le valli sono contaminate e la gente si rifugia sulle cime delle montagne e dove i piloti sono in grado di volare verso una vita migliore. Sul palcoscenico mette in pratica questa esistenza alternativa completamente da sola. Con la centrale di comando per gli effetti visivi e gli strumenti elettronici allestiti su un carretto di legno, Jessiquoi, come una sovrana assoluta, regna a suon di danza sul palcoscenico, un luogo di autodeterminazione e di costante riposizionamento. Jessiquoi crea un’opera d’arte totale che colpisce per la sua natura intransigente e con la quale ha già suscitato forte entusiasmo anche a Siviglia e a New York.

Il carretto di legno o, come lo chiama lei, il «Wägeli» è un rimando alla cultura cinese, con la quale ha una forte affinità, così come l’arpa cinese che suona dal vivo. «Alla scuola di lingue una mia amica cinese mi ha fatto appassionare alla sua cultura. Una volta, quando ero in Cina (a Shanghai, alle tre del mattino), volevo mangiare qualcosa quando ho visto un’anziana signora che cucinava sul suo carretto di legno. Un vecchio carretto nel bel mezzo di una metropoli: un’immagine che non mi ha mai abbandonato. Volevo essere io quella donna», racconta sorridendo.

Lavorare a nuovi brani

Jessica considera l’autodeterminazione senza se e senza ma e la libertà di mantenere il proprio io allo stato fluido elementi necessari per la propria arte. «Credo che il compito principale degli artisti sia sognare il futuro della nostra civiltà o mostrarlo sotto una nuova luce, perché registrano, analizzano, criticano e riformulano il mondo e le persone che li circondano».

Grazie al contributo Get Going!, nessun ostacolo si frappone più a questo entusiasmante sviluppo. «Ho dovuto finanziarmi attraverso i concerti e il tempo per lavorare a nuovi brani ne ha risentito. Ora ho ottenuto il mio budget annuale in un solo colpo», dichiara raggiante. La meta finale di questo viaggio resta avvolta nel mistero: «Non so che tipo di musica creerò domani. Nascerà spontaneamente. Ma non permetterò mai a nessuno di impormi come suonare per motivi strategici di mercato. Sto lavorando alla mia identità. Io. E io soltanto».

www.jessiquoi.com

Dal 2018 la FONDATION SUISA assegna nuovi contributi alla creazione. Con il progetto «Get Going!» vengono incentivati finanziariamente processi creativi e artistici che esorbitano dalle categorie convenzionali. In una serie di ritratti, ogni anno presentiamo i beneficiari dei contributi «Get Going!». Il concorso 2020 termina a fine agosto.

Laisser un commentaire

Tous les commentaires sont vérifiés. Il peut s’écouler un certain laps de temps avant publication. Il n’existe aucun droit à la publication d’un commentaire. La rédaction se réserve le droit de ne pas publier un commentaire qui ne respecte pas les conditions d’utilisation.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.