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Manish Vyas

«Je ne me sers pas de ma musique pour impressionner les gens»

«Je ne me sers pas de ma musique pour impressionner les gens»
Nouveau compositeur membre de SUISA: Manish Vyas cherche souvent de nouvelles mélodies en improvisant à l’harmonium.
Photo: Markus Ganz
Texte de Markus Ganz, contributeur invité
La musique de Manish Vyas jouit d’une grande popularité sur les plateformes internationales de streaming. Originaire d’Inde, ce compositeur, multi-instrumentiste et chanteur a rejoint SUISA il y a deux ans.

La musique indienne est réputée difficile d’accès pour de nombreux occidentaux. Cela ne devrait pas être le cas des morceaux de Manish Vyas, bien que ces derniers soient profondément enracinés dans les multiples traditions indiennes. Ce compositeur, multi-instrumentiste et chanteur indien crée des morceaux de musique méditatifs étonnamment contemporains et accrocheurs dans leur beauté sereine et leur simplicité, que ce soit de par la mélodie et les sons, ou par le rythme. La musique est même parfois portée par de doux rythmes électroniques. Mais qui est à l’origine de cette musique?

Manish Vyas est né dans l’État fédéré indien du nord-ouest du Gujarat. Il a passé son enfance dans une famille de 16 personnes dans laquelle la musique jouait un rôle important. «Comme il y avait plusieurs musiciens dans notre entourage, il y avait régulièrement de la musique et une ambiance très stimulante régnait chez nous.» À l’âge de neuf ans, Manish Vyas commence à apprendre à jouer du tabla dans une école de musique. «Le tabla est un instrument de percussion merveilleux. Mais j’ai vite ressenti le besoin de m’immerger dans l’univers mélodique, cet univers si riche des râgas, et voulais exprimer mes sentiments à travers la mélodie. Je suis donc passé à l’harmonium et ai chanté un peu; j’ai aussi commencé à la même époque à jouer du santour, qui ressemble au hackbrett connu ici.»

De l’ashram au monde extérieur

Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans, à l’issue d’études «standards», que Manish Vyas se rends compte que la musique est sa vie et qu’il veut s’y consacrer pleinement. Dès lors, il n’a cessé d’apprendre et de répéter. «J’ai eu la chance de faire tout mon apprentissage dans une ambiance influencée par de nombreux musiciens.» Manish Vyas était en contact avec un maître spirituel du nom d’Osho qui attirait des personnes du monde entier dans son ashram (une sorte de centre d’apprentissage et de méditation). On trouvait parmi eux de nombreux musiciens puisqu’Osho accordait une grande importance à la musique sur le chemin spirituel. «Cela m’a permis d’appliquer tout ce que j’avais appris avec ces musiciens du monde entier. Nous faisions presque tous les jours des séances expérimentales avec des musiciens en provenance de pays comme le Brésil, l’Allemagne ou la France, et nous ne jouions pas uniquement de la musique indienne, mais aussi de la musique classique, de la musique méditative, de la fusion et de la musique folklorique.»

Cela a créé de nombreux contacts. Et avant même de s’en rendre vraiment compte, Manish Vyas a commencé à voyager en dehors de l’Inde dès l’âge de 22 ans. «Des musiciens que j’avais rencontrés à l’ashram m’ont invité à enregistrer et à partir en tournée avec eux.» Il a néanmoins commencé en 2001 une carrière solo axée sur la musique composée par ses soins. Depuis, il a publié 23 albums qui, après l’ère des CDs, rencontrent un écho étonnant sur les plateformes de musique. «Internet a nettement contribué à élargir mon auditoire.» Désormais, c’est depuis la Suisse, où l’amour l’a amené il y a cinq ans, qu’il s’emploie à créer. Il est également extrêmement actif en tant qu’enseignant, proposant des cours, des ateliers et des retraites, aussi bien dans le domaine de la musique (musique instrumentale et chant de mantras) que de la méditation.

Un pont entre l’orient et l’occident

Manish Vyas est modeste quand il parle de ses performances. «J’ai certes réussi à faire ma place dans ce secteur, mais ça s’est fait comme ça, je n’ai pas créé de musique à cette fin.» Un des ingrédients majeurs de son succès est certainement le fait que sa musique touche des personnes en dehors de la sphère culturelle indienne, bien qu’elle soit toujours profondément ancrée dans ses traditions. «J’ai l’impression que les occidentaux considèrent ma musique à la fois comme accessible et authentique.» C’est sûrement ce qu’a également pensé Paul McCartney lorsqu’il a engagé Manish Vyas à l’occasion de son mariage.

Aujourd’hui âgé de 51 ans, Manish Vyas souligne qu’il n’avait pas pour intention de créer un pont vers un nouveau public occidental. «J’ai fait ce que je trouvais juste et beau. La seule chose qui a toujours été claire pour moi, c’est que je ne veux pas me servir de ma musique pour impressionner les gens. L’objectif ne doit pas être uniquement de divertir; je n’ai pas appris cela de mes maîtres en musique, mais de mes maîtres spirituels.» Ceux-ci lui ont montré que la musique indienne a ses racines dans la tradition ancienne de la spiritualité. On peut donc se demander si les auditrices et les auditeurs occidentaux sont obligés de connaître les fondements spirituels ou même religieux de cette musique pour être en mesure de l’apprécier. «Non, car cette musique n’est pas religieuse, mais spirituelle. Mon intention est très nettement de créer une musique qui accroisse simplement l’état d’être.»

Un lien avec l’âme indienne

En quoi la musique indienne de Manish Vyas est-elle différente? «Comme je n’ai pas l’ambition de composer de la pure musique classique indienne, j’ai davantage de liberté. J’utilise des bases de râgas, mais mon idée est avant tout de créer de la musique pour la détente et la méditation. J’ai donc coupé avec le style d’interprétation indien habituel pour rendre ma musique plus calme et plus détendue. L’élément du râga persiste, mais sous une autre forme.»

Quelles que soient les libertés artistiques que prend Manish Vyas, une chose est importante à ses yeux. «Je m’efforce toujours de conserver la pureté de la musique, quelque chose que nous appelons le caractère sacré du chant. Même si j’utilise parfois des éléments modernes comme la musique de transe, je n’ai jamais permis qu’elle couvre l’âme indienne, qu’on n’entende plus qu’un ‹tchi tchi tchi tchi› avec une cithare très loin. J’utilise les éléments modernes uniquement en soutien pour donner davantage d’énergie au morceau.» Manish Vyas mentionne également qu’il ne confronte pas tout de suite ses élèves occidentaux avec la musique indienne classique. «Nous passons d’abord par une porte plus facile sur le plan musical, ce qui leur permet de créer lentement un lien avec l’âme indienne. Quand ils sont prêts, je leur dis qu’ils ont commencé à écouter comme il faut.»

L’improvisation comme base

Manish Vyas divise ses compositions en deux catégories: d’un côté les pièces instrumentales; de l’autre les pièces comportant des textes. «Quand je travaille avec des paroles, je choisis habituellement un poème et je compose une musique d’accompagnement qui doit correspondre à l’ambiance créée par les mots.» Les mélodies de ses pièces sont en général créées quand Manish Vyas improvise chez lui, à l’harmonium ou au clavier. «La musique indienne se base sur l’improvisation, ce qui explique qu’on ne voie jamais de partition pendant les concerts indiens. Pendant notre apprentissage, nous recevons certes beaucoup de matériel musical écrit. Mais répéter de manière intensive avec ce matériel amène lentement l’élève à un point à partir duquel il commence à improviser.» Manish Vyas aime aussi improviser avec ses amis indiens. Mais comme la plupart d’entre eux vivent en Inde, ses pièces sont souvent créées via un échange d’enregistrements sur Internet. Il s’est donc installé un petit studio chez lui et assume de plus en plus de tâches de production.

Arrivé au terme de cet interview, Manish Vyas a souhaité ajouter ceci: «Je suis passé chez SUISA pour des raisons pratiques. Mais je suis désormais ravi d’en être membre. Elle répond à mes questions et tout se passe très bien. La qualité et la fiabilité de SUISA font que j’ai encouragé plusieurs musiciens indiens de mes amis à devenir membres eux aussi, ce que deux ou trois d’entre eux ont déjà fait en me remerciant par la suite. Il faut en effet que les compositeurs reçoivent leur dû.»

www.manishvyas.ch Site officiel de Manish Vyas

1 réponse à “«Je ne me sers pas de ma musique pour impressionner les gens»

  1. chantal j. dit :

    I loved this article! I follow Manish’s work since years and I am happy when I see material from him. Also is nice to hear about world artists who live in Switzerland. Well done!

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