Fin 2023, le Conseil fédéral a décidé qu’il fallait exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) tout en minimisant les risques pour la société. À cette fin, il a chargé le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) d’élaborer un aperçu des approches réglementaires possibles en matière d’IA d’ici à fin 2024. Depuis lors, divers groupes d’intérêt se sont formés pour se faire entendre dans les milieux politiques au sujet d’une éventuelle réglementation de l’IA.
Le Conseil fédéral veut réglementer l’IA et nous voulons avoir notre mot à dire
SUISA n’agit pas toute seule. En tant que groupement des sociétés de gestion suisses, Swisscopyright défend les droits d’auteur et les droits voisins ainsi que les intérêts des titulaires de droits. Swisscopyright a rédigé une prise de position visant à s’engager dans le débat public.
La prise de position exige notamment des sociétés de gestion suisses que la pertinence, en termes de droit d’auteur, de l’utilisation d’œuvres protégées à des fins d’entraînement des algorithmes d’IA soit prise en compte dans une éventuelle réglementation et que les auteurs perçoivent une partie des revenus générés par les systèmes d’IA générative, comme c’est habituellement le cas dans le domaine des licences commerciales. Vous trouverez ci-après l’intégralité de la prise de position.
Swisscopyright: Position concernant l’IA générative et ses résultats en matière de droit d’auteur
Swisscopyright, qui regroupe les sociétés de gestion suisses (ProLitteris, SSA, SUISA, Suissimage und Swissperform), défend les droits d’auteur et les droits voisins ainsi que les intérêts de leurs titulaires. Par le présent document, nous exposons notre point de vue et nos revendications relatives à la réglementation de l’intelligence artificielle (IA). La loi suisse actuelle sur le droit d’auteur représente la base sur laquelle il convient de construire. Les sociétés de gestion collective peuvent servir d’organes centraux pour l’octroi de licences concernant certaines utilisations par des systèmes d’IA générative.
Les œuvres littéraires et artistiques sont des biens immatériels auxquels la loi attribue une titularité. La protection par le droit d’auteur incite à la création, encourage le secteur créatif et garantit la diversité culturelle. Mais ces incitations légales deviennent inefficaces lorsque des produits comparables créés par l’IA générative entrent en concurrence avec les œuvres créées par des êtres humains. Il en résulte un marché de la création dysfonctionnel et déséquilibré. La voie est alors ouverte pour que ce marché soit défaillant.
Il faut empêcher cela. Une réglementation de l’IA dans le domaine de la culture doit s’orienter sur les principes suivants:
- Le droit d’auteur incite à la création humaine et garantit un large accès aux œuvres et aux prestations. La loi suisse sur le droit d’auteur (LDA) est une bonne base de travail, même dans le contexte du développement de l’IA. Si une révision de la loi devait toutefois être envisagée, le droit futur devrait également respecter le principe d’une rémunération de la créativité humaine. Il faudrait donc limiter d’éventuelles restrictions au droit d’auteur et renoncer à des exceptions sans compensation financière, en d’autres termes les assortir systématiquement de droits à rémunération.
- Un système de protection ne sert à rien s’il ne fonctionne que de manière théorique. Des changements d’habitudes sont nécessaires en ce qui concerne l’acquisition des droits d’utilisation des œuvres et prestations protégées par les systèmes d’IA générative. Des obligations de « compliance » sont nécessaires (concernant l’identification et le respect des droits), de même que des informations sur les œuvres et les prestations utilisées et qu’une obligation de signaler l’utilisation de systèmes d’IA générative.
- La perte de revenus subie par les ayants droit (droits d’auteur et droits voisins), due aux produits générés artificiellement, doit être compensée. Les recettes des systèmes d’IA pourront servir de base aux rémunérations à négocier concernant l’entraînement des systèmes d’IA générative. Les auteurs-trices doivent recevoir une part des revenus générés par ces systèmes, comme il est d’usage en matière de licences commerciales.
- Toute réglementation doit refléter la pertinence en droit d’auteur des actes d’entraînement réalisés par les fournisseurs d’IA grâce à des œuvres et des prestations préexistantes. Elle doit aussi prévoir une obligation de coopération avec les sociétés de gestion collective. Cela ne vaut pas seulement pour la légalisation de l’input, mais aussi pour la transmission en toute transparence des données d’utilisation et pour le transfert d’informations techniquement exploitables. Pour des raisons pratiques, l’utilisation de masse qui a lieu ne peut être maîtrisée que de manière collective (par les sociétés de gestion).
Parce que des modèles de licence efficaces et efficients sont d’une importance capitale, les sociétés de gestion collective, vu leur expérience de la mise en œuvre du droit d’auteur en pratique, doivent être impliquées dans l’élaboration de l’environnement réglementaire. Elles veilleront à ce que les droits et les intérêts des auteurs-trices et des titulaires de droits voisins soient préservés. Nous appelons toutes les parties prenantes à définir les futures conditions-cadres en collaboration avec les praticiens que nous sommes. L’innovation sera alors encouragée et les droits existants seront sauvegardés.