Marc Texier, la 26e édition du Festival Archipel qui se tiendra à Genève du 24 mars au 2 avril 2017 a pour thème «Ensemble». Que se cache derrière ce slogan?
Marc Texier: Sous cet intitulé «Ensemble», mot d’ordre et nécessité, Archipel 2017 célèbre un art de la concorde que l’on aimerait voir transposé à d’autres communautés, et qui est massivement pratiqué par la jeune génération des musiciens à laquelle nous ouvrons largement nos concerts.
Quelle est la plus grande motivation pour l’organisation du festival: le désir d’offrir une vitrine aux compositeurs et interprètes contemporains ou le fait de pouvoir enthousiasmer un public plus large amateur de nouvelle musique?
La mission d’un festival est double. Repérer de jeunes artistes de talent et les aider à passer de leurs études à la vie professionnelle. Présenter la musique d’aujourd’hui dans toute sa diversité et en donner des clefs de compréhension au plus large public. Enfin, un festival se construit selon une dramaturgie, il donne à entendre la matière vivante d’un art en train de se réinventer.
Les oeuvres de compositeurs contemporains vivent souvent dans l’ombre des programmes des salles de concerts traditionnelles. Pour quelle raison préfère-t-on interpréter Bach plutôt que de la nouvelle musique?
Et encore si c’était Bach, mais c’est plutôt Tchaïkovski. Il faudrait poser cette question aux responsables des orchestres et des salles. Pourquoi y a-t-il tant de frilosité vis-à-vis de la modernité musicale? Ce n’est pas le public qui la dicte, j’ai toujours constaté sa curiosité. Ce sont les structures, orchestres, opéras, radios, qui veulent perpétuer la musique qui prévalait à l’époque de leur création, XIXe, début du XXe, en oubliant qu’elles étaient à l’époque les principaux vecteurs de la modernité. Une approche muséale s’est substituée à la découverte. Il y a heureusement de nombreuses exceptions.
Dans le cadre de la première «Académie Archipel Ose!», sous la direction de Kaija Saariaho et Daniel Kawka, six jeunes compositeurs peuvent bénéficier d’un cours d’une semaine dans le domaine de la composition symphonique. Pour quelle raison avons-nous encore besoin de formation, alors qu’il n’y a de toute façon plus de règles et que tout est désormais permis dans la musique?
Edgar Varèse, l’un des pères de la musique moderne, voulait abolir les règles (c’est de la grammaire) pour ne plus suivre que les lois (notamment celles de l’acoustique). Nous en sommes là aujourd’hui. Il n’y a effectivement plus vraiment de règles, sinon celles qu’on se crée comme des contraintes afin de canaliser son imagination. Mais il y a toujours les lois physiques du son, de son émission, de sa propagation. Il y a mille techniques d’écriture nécessaires à la construction d’une œuvre, maîtrise de sa forme, conduite du discours musical. Il y a enfin toute la technologie informatique qui s’est ajoutée à la nécessaire connaissance pragmatique de l’écriture instrumentale. Quand tout cela est acquis, reste l’essentiel: trouver sa voix, bâtir son originalité. C’est ce qu’offrent les académies en brassant les origines et les parcours, après avoir appris les «lois» au conservatoire, les jeunes musiciens découvrent leur «moi» par la confrontation aux autres créateurs de leur génération.
Quelles exigences doit avoir un jeune compositeur suisse pour que ses oeuvres soient entendues au niveau international?
Elle ne sont pas différentes de celles d’un Français ou Coréen. Depuis la chute du mur et l’accession de nombreux pays à une relative prospérité, la création musicale s’est totalement internationalisée. Pas moins de 30 pays différents, couvrant les cinq continents, étaient représentés parmi les candidats de l’Académie Archipel Ose! On attend d’eux de solides bases théoriques et pratiques, de l’inventivité, de l’originalité, puis qu’ils parcourent le monde, d’académie en académie, afin de parfaire leur formation tout en se faisant connaître à l’international.
Le samedi 1er avril 2017, une «Journée d’orientation professionnelle» destinée aux jeunes compositeurs et interprètes est organisée en coproduction avec SUISA. L’entrée à cette manifestation à «L’Abri» est gratuite. Qu’est-ce que cela peut apporter à un jeune créateur de musique?
Débutant un métier, nous avons tous éprouvé l’inquiétante distance entre l’idée que nous nous faisions de ce travail, et la réalité de son exercice. On ne peut pas totalement réduire cela, mais aider de jeunes musiciens, compositeurs et interprètes, à prendre conscience de l’environnement au sein duquel il vont faire carrière et des contraintes administratives, juridiques, technologiques, humaines qu’ils auront à gérer en plus de la pratique musicale à laquelle ils ont été spécifiquement formés. L’informatisation de la création, la dématérialisation des supports, l’abolition des frontières entre les arts, la substitution des réseaux sociaux aux anciens canaux de diffusion, télés, radios, journaux, modifient profondément l’exercice de tous les métiers de la musique, du critique musical à l’éditeur de partition, du musicien d’orchestre au créateur sonore. Les spécialistes invités à cette journée répondront à ces interrogations.
Quels événements du festival ne manquerez-vous en aucun cas cette année?
Comme je n’en manquerai bien sûr aucun, j’ai un peu de mal à répondre. Si je suis un connaisseur de la musique contemporaine, je ne manquerais sous aucun prétexte les créations de quatre compositeurs majeurs de notre temps: Murail, Kyburz, Gervasoni, Blank lors du concert du Lemanic Modern Ensemble le 1er avril. Si je souhaite m’initier à une musique contemporaine que je ne connais pas, et découvrir un peu en butinant, dans une ambiance conviviale, si je souhaite poser des questions aux artistes, alors je ne manquerais pas l’après-midi du 2 avril et ses «salons de musique» consacrés à la clarinette contrebasse et aux percussions.
www.archipel.org, site Internet du festival
Journée d’orientation professionnelle | |
Je suis un jeune compositeur, un interprète qui débute. Où puis-je compléter ma formation? Auprès de quelle académie? Comment m’y présenter? J’ai constitué un ensemble, comment le promouvoir, le développer, le gérer? Dois-je m’inscrire auprès d’une société de gestion? Préférer l’édition papier ou dématérialisée? Puis-je librement diffuser ma musique sur Internet ? Comment collaborer avec d’autres disciplines? Où diffuser mon travail? Ces questions, et beaucoup d’autres que se posent les jeunes artistes au début de leur vie professionnelle, nous tentons d’y répondre au cours d’une série de rencontres avec des spécialistes du droit, de l’édition, de l’enseignement, de la production musicale.Cette journée, sous l’égide de SUISA, est destinée à l’insertion professionnelle des jeunes musiciens. Elle est ouverte à tous. (Text: Festival Archipel) | |
Samedi 1er avril 2017, L’Abri – A2, Entrée libre | |
10h00 – 10h10 | Welcome speech Bernard Meier – président de l’association Archipel, responsable des ateliers de la profession HEM |
10h10 – 10h30 | Nicolas Pont – chef du service juridique de SUISA |
10h30 – 10h50 | David Johnson – responsable de l’antenne romande de Swissperform |
10h50 – 11h10 | Johannes Knapp – directeur de l’ASM-STV |
11h20 – 11h40 | Damien Pousset – fondateur du label Aeon |
11h40 – 12h00 | Andri Hardmeier – responsable musique de Pro Helvetia |
12h00 – 12h20 | François Passard (directeur) et Alain Renaud (responsable du studio de production) de L’Abri |
Pause | |
13h30 – 13h50 | Marc Texier – directeur d’Archipel |
13h50 – 14h10 | Daniel Zea – compositeur et membre fondateur de l’ensemble Vortex |
14h10 – 14h30 | Tzairi Santos Garcia – responsable du développement digital chez Outhere Music |
14h30 – 14h50 | Lucas Fagin – compositeur et co-directeur de Babelscores |
15h00 – 15h20 | Bruno Serrou – critique musical |
15h20 – 15h40 | Marie-Christine Papillon – directrice des éditions Papillon |
15h40 – 16h00 | Synthèse/Débriefing |
Discussion entre compositeurs | |
Avec Hanspeter Kyburz, Stefano Gervasoni, William Blank, Tristan Murail, Xavier Dayer. Animée par Marc Texier. Samedi 1er avril 2017, 20h |