Tobias Carshey, comment tes chansons voient-elles le jour habituellement?
Tobias Carshey: Pour écrire, je puise dans ma vie – avec un résultat qui, forcément, est à chaque fois différent. J’ai tendance à m’asseoir et à écrire; parfois la mélodie vient en premier, plus rarement le texte, et la plupart du temps je commence par la musique.
Es-tu l’auteur exclusif de la plupart de tes chansons?
Oui pour l’écriture, mais pas pour les arrangements.
Sur ton site Web, tu écris: «Écrire des chansons a toujours été un processus très personnel pour moi». Dans le cadre du Camp, a-t-il été difficile de travailler avec des auteurs-compositeurs que tu ne connaissais pas?
Au début, oui, beaucoup. Habituellement, j’aime bien me retirer dans un endroit calme où je peux travailler seul. Au Camp de composition, je me suis retrouvé face aux autres et j’ai dû travailler en équipe. J’ai déjà fait ça, mais …
… la pression était probablement plus forte cette fois parce que tu as travaillé pour la première fois avec le producteur suédois Jonas Thander et la star écossaise Ashley Hicklin?
Exactement, c’est juste tout nouveau pour moi: il y a de nouvelles dynamiques qu’il faut d’abord comprendre. Heureusement pour moi, Ashley Hicklin est arrivé avec une idée concrète dès le début.
Comment est-ce que tout cela s’est passé, as-tu suggéré des idées de chansons?
Je ferais les choses différemment aujourd’hui, mais je me suis tout simplement lancé. C’était la première fois que je participais à un Camp de composition de chansons et je voulais arriver sans idées préconçues. Avant de commencer à écrire, nous avons écouté quelques-uns de mes morceaux pour que Jonas Thander et Ashley Hicklin puissent avoir une idée d’où je viens musicalement.
Était-ce important que Jonas et Ashley connaissent tes points forts?
Exactement, et à cet égard, ma chanson «Almond Eyes» a été le vrai point de départ.
Dans un Camp de composition de chansons, il y a une certaine spécialisation avec les producteurs et les topliners. Quel était ton rôle, étais-tu plutôt chanteur au sens d’interprète ou davantage impliqué en tant qu’auteur-compositeur?
J’ai également été impliqué en tant qu’auteur-compositeur: mes deux partenaires m’ont pris totalement au sérieux.
Cette répartition du travail a-t-elle eu un sens pour toi?
Tout à fait, parce que chacun arrive avec une expérience différente et que nous avons basé notre travail sur cette répartition des rôles. En effet, il peut rapidement y avoir des frictions quand trois auteurs-compositeurs qui ne se connaissent pas travaillent ensemble. Avec ce mode de fonctionnement, chacun peut se retrancher derrière son domaine de compétences s’il n’est pas d’accord avec les autres et continuer à faire progresser la chanson.
Jusqu’où la spécialisation est-elle allée?
Nous connaissions chacun notre rôle. Mais tout le monde était considéré comme suffisamment compétent pour avoir son mot à dire partout, que ce soit au niveau de la composition ou des paroles, et même pour la production.
Selon toi, comment s’est ressenti le fait que vous n’ayez jamais écrit une chanson ou fait de la musique ensemble auparavant et que vous n’étiez pas une équipe bien rodée?
Ash et Jonas se connaissaient déjà, mais cela n’avait aucune importance, car ce sont des musiciens expérimentés qui connaissent la dynamique d’une équipe de compositeurs. C’est pourquoi j’ai été accepté en tant que nouveau venu et, dans une certaine mesure, m’adapter à la situation. S’il n’y avait eu que des débutants, cela aurait été une sorte de loterie.
Avez-vous improvisé musicalement ou décidé d’un plan de travail dont chacun, de son côté, a assuré une partie?
A aucun moment, quelqu’un a travaillé de manière individuelle – c’était nouveau pour moi. Je suis plutôt du genre à me retirer dans ma bulle pour développer une idée dans mon coin, avant de la présenter au reste du groupe. Au Camp de composition, Ashley Hicklin a trouvé un refrain dès le début. Nous avons travaillé sur cette base, sans perdre de vue l’objectif d’écrire une chanson pour le CEC. Après, la marche à suivre était claire pour tout le monde.
Le refrain est venu en premier: à quel point l’objectif d’écrire une chanson pour le CEC – autrement dit un tube potentiel, qui reste en tête – a-t-il pesé sur votre travail?
Nous en étions conscients, mais cela n’a eu aucune influence sur le ressenti de la chanson. Nous avons également veillé à ce que la chanson fonctionne en trois minutes.
Le fait de devoir écrire une chanson qui soit à la fois un succès commercial et qui sorte de l’ordinaire a-t-il joué un rôle?
Pas spécialement. Mais notre chanson s’est démarquée des autres chansons du Camp de composition parce que nous lui avons donné une tournure très «simple» – juste le piano, la guitare et ma voix, nous n’avons pas non plus utilisé d’effets comme l’Auto-Tune. À mon avis, c’était aussi la force de la chanson : elle fonctionne aussi avec une simple guitare, ce qui semble atypique.
En quoi la version de «Amen» issue d’une journée du Camp de composition diffère-t-elle de celle que l’on va entendre maintenant au CEC?
Elle est devenue beaucoup plus riche. L’original est bien plus simple : une grosse caisse, ma voix, une guitare acoustique et un piano. Désormais, on y entend aussi des cordes et des chœurs.
Qu’est-ce que cela vous fait de voir quelqu’un d’autre interpréter cette chanson qui, pour un tiers, est la vôtre?
J’ai déjà écrit des chansons pour d’autres par le passé et une fois, une interprétation m’a fait vraiment mal parce que c’était une chanson personnelle à la base. Mais je trouve très captivant et aussi très beau que Vincent Bueno interprète la chanson «Amen» avec sa propre histoire, en lui donnant son propre sens. Pas de regrets!
Comment le Camp de composition a-t-il changé ton approche de l’écriture personnelle?
J’ai surtout été influencé par la façon de travailler, détendue et libre. Le reste du temps, je suis probablement trop sévère avec moi-même, trop obstiné pour simplement me mettre à écrire et essayer des choses.
Le rythme de travail vous a-t-il dérangé, à savoir devoir terminer la chanson en une journée dans le cadre de ce Camp de composition?
Oui, cela m’a causé des difficultés. Car, pour moi, les chansons vraiment géniales, bonnes et intemporelles ont besoin de plus de temps pour mûrir. Cela dit, je suis habitué à ce qu’on me fasse souvent changer d’avis sur ce genre de certitudes.
Concours Eurovision de la Chanson 2021: dans la deuxième demi-finale du CEC le 20 mai 2021, Vincent Bueno interprétera «Amen» pour l’Autriche et Gjon’s Tears avec «Tout l’univers» pour la Suisse. La finale suivra le 22 mai. Camp de Composition de Chansons: le Camp de composition organisé par SUISA en collaboration avec Pele Loriano Productions a déjà produit plusieurs chansons pop qui sont devenues des succès internationaux. «Amen» est la cinquième chanson issue du Camp de composition SUISA à atteindre les demi-finales ou la finale du Concours Eurovision de la Chanson. Le morceau «She Got Me», co-écrit et interprété par Luca Hänni, a terminé à la quatrième place au CEC 2019. Sont également qualifiés «Répondez-moi» (Gjon’s Tears, pour l’événement qui a finalement été annulé en 2020), «Stones» (2018, Zibbz) et «Sister» (2019 pour l’Allemagne, Sisters). Les crédits de «Amen»: |